Résonance du 12 mai 2023

Vendredi 12 mai, nous recevrons Rudi, chargé de cours à l’Institut Supérieur Industriel de Bruxelles, qui nous avait déjà introduit aux larges possibilités du son en 3D. Il revient cette fois présenter ses recherches autour de la sonification des données. Il s’agit de faire entendre des résultats d’analyses scientifiques, que ce soit en chimie, biologie ou physique, et de les singulariser en les rendant audibles. Comment et sur quelles bases transforme-t-on des données en sons ? Voilà ce qu’il va nous expliquer dès 19h.

À 20h30, c’est Olivier qui revient pour la deuxième partie du voyage qu’il propose dans le catalogue de la firme de disques ECM. Il nous fera découvrir ce qu’il considère comme la meilleur partie du catalogue de ce label et appuiera ses dires par l’écoute de différents extraits sonores issus de cette période.

Enfin, vers 21h30 – 22h, nous nous retrouverons pour une jam autour des instruments de la bibliothèque et ceux que vous aurez vous-mêmes apportés.

Je me réjouis de vous retrouver à partir de 18h30 à la bibliothèque d’Ixelles.

Initiation à la musique Ambient

À noter tout de suite que la musique Ambient ne provient pas de sons exclusivement générés électriquement ou électroniquement, mais aussi d’instruments acoustiques classiques (pianoforte, instruments à cordes, guitares, etc.) éventuellement retraités électroniquement, et d’extraits d’enregistrements effectués dans le monde ambiant (Field Recording).

Mais commençons par le commencement, c’est à dire les origines, les époques et événements musicaux qui ont intéressé le créateur/initiateur/définisseur de l’Ambient, l’anglais Brian Eno, né en 1948, par ailleurs inventeur du terme.

Le pianiste et compositeur français moderne/dadaïste Erik Satie (1887-1923), à l’humour fleuri, l’esprit ironique et facétieux, crée trois pièces intitulées « musique d’ameublement » (notamment « Carrelage Phonique », 1918), destinées à tapisser, « meubler », l’environnement sonore d’événements tels que dîners officiels (potentiellement ennuyeux), réceptions et manifestations solennelles (potentiellement guindées). Ce sont des pièces pour orchestre de chambre, volontairement répétitives.

Brian Eno, dans sa définition, reprendra cette caractéristique, celle d’une musique qui participe, en s’y fondant, au paysage sonore du lieu dans laquelle elle est diffusée, mais qui devra néanmoins être suffisamment intéressante pour pouvoir être écoutée de manière active. Une période de convalescence suite à un accident de voiture, pendant laquelle il peut difficilement se lever et ne parvient pas à aller monter le volume de la musique qu’il écoute, diffusée trop bas, lui permet de faire la connexion de manière certaine avec cette idée.

La pièce « 4’33 » » du compositeur contemporain John Cage, pendant laquelle un pianiste s’assied pendant 4 minutes trente trois sur scène devant un piano sans pour autant en jouer, invitant ainsi les auditeurs à écouter la nature du silence qui règne dans la salle de concert, l’aide également à définir le concept. Des pièces de Satie, il puisera aussi l’idée de la répétition d’événements sonores, organisées non pas de manière systématique, mais aléatoire, avec l’idée qu’une musique peut être « générée » automatiquement de cette manière. Il utilisera en conséquence le terme de « musique générative » pour décrire ses compositions.

Il puisera chez Steve Reich, né en 1942, quelque chose d’équivalent, Reich travaillant de manière expérimentale à partir de bandes magnétiques, sur le remontage d’enregistrements issus du réel, modelant la matière sonore par coupes multiples/réorganisation de celle-ci et décalage temporel progressif d’un même message par rapport à lui-même, comme dans « It’s Gonna Rain, part 1&2 » (1965).

L’enregistreur à bandes deviendra d’ailleurs l’instrument de prédilection de Brian Eno lors de ses premières expérimentations/compositions.

Terry Riley, dont la pièce « In C », par exemple, utilise décalage et répétions de motifs suivant des règles aléatoires suivies par les exécutants, inspirera également sa technique compositionnelle.
Un peu plus tôt que ne le fera Eno, des musiciens de Rock allemands du mouvement Krautrock, issus des conservatoires de musique classique/contemporaine, s’essaient à produire des « climats », à l’aide d’instruments acoustiques, comme le groupe Popol Vuh (« Das V Buch Mose, part 5 : Andacht » sur l’album « Hosianna Mantra », 1972), ou des premiers synthétiseurs, comme les trois membres de Tangerine Dream (album « Phaedra », 1974).

En 1972-73, il est membre de la formation de Glam Rock anglaise Roxy Music, et participe aux claviers, bandes magnétiques et traitements sonores divers, à leurs deux premiers albums, « Roxy Music » et « For Your Pleasure ». Son travail de retraitement du son et les couleurs et matières qu’il apporte à leur musique sont remarquables (écouter « The Bogus Man » sur leur 2ème album), mais des incompatibiltés autour du leadership avec Bryan Ferry le feront quitter le groupe.

Il travaille alors sur un disque pré-Ambient avec Robert Fripp, guitariste de King Crimson, au jeu très personnel et puissant, utilisant des pédales de traitement du son. Le disque « No Pussyfooting » (1973) utilise la répétition et le délai temporel, à l’aide de longues boucles de bandes, et l’utilisation de plusieurs têtes de lecture sur leur parcours.

En 1975, un premier disque personnel, « Discreet Music », vient fonder le concept : Une face est consacrée à une première pièce Ambient, répétitive de manière aléatoire, d’une trentaine de minutes. L’autre face contient trois variations sur le Canon de Pachelbel, issues de trois déconstructions/réagencements de la partition suivant des processus différents.

Eno donne par la suite à la musique Ambient statut et fonction : son « Ambient 1 : Music For Airports » (1978) est destiné à apaiser le voyageur avant son vol. Cette idée sera étendue jusque dans la possibilité d’utilisation commerciale du nouveau genre musical : la « Muzak » devient ainsi une musique fonctionnelle destinée à rendre agréables lieux de consommations, ascensseurs, etc., de par sa présence à la fois discrète, neutre et agréable.

S’ensuivront en 1980 des collaborations fructueuses avec le compositeur contemporain Harold Budd (« Ambient 2 : The Plateaux Of Mirror »), puis le trompettiste Jon Hassell (« Fourth World, Vol. 1 : Possible Musics », dont la couleur très particulière repose sur la trompette synthétisée de Hassel et les rythmiques ElectroFunk discrètes mais hypnotiques de Brian Eno). Un an plus tard, sa collaboration avec David Byrne des Talking Heads (après avoir été leur cinquième membre et producteur sur trois de leurs disques) donnera des climats similaires sur l’incroyable « My Life In The Bush Of Ghosts », fait à partir de bandes vocales de natures et provenances diverses habillées de rythmiques électroniques.

En 1982, son album « Ambient 4 : On Land », aux matières explorant sol et sous-sols terrestres donnera naissance à l’un des sous-genres de l’Ambient : le « Dark Ambient », dont un représentant dans les années 90 et 2000 sera par exemple « Lustmord » (album « The Place Where The Black Stars Hang », 1994).

La musique Ambient ira en se diversifiant avec le temps et les pratiques et inspirations des musiciens électroniques qui la font. Elle deviendra tour à tour musique des abysses, des cieux, des galaxies, des sphères mystiques (aux croisements avec le genre « New Age », représenté des musiciens comme Andreas Vollenweider, Steve Tibbets ou Steve Roach), emmenant ses auditeurs loin du monde réel, aux confins des univers.

Le cas particulier de la pièce toute récente, « Plateaux », du duo danois Deaf Center (sur la compilation « Lost In The Humming Air (Music Inspired By Harold Budd) », 2016), alibi de cette présentation du genre Ambient, se situe à la croisée de toutes ces tendances, réalisant la prouesse de nous faire voyager loin avec des instruments acoustiques (piano, cordes) savamment retraités.

Quelques disques de référence :

Klaus Schulze – Irrlicht (1972)

Brian Eno – Music For Films (1978)

Harold Budd & Brian Eno – The Pearl (1984)

Biosphere – Polar Sequences (1996)

Biosphere & Deathprod – Nordheim Transformed (1998)

Alva Noto & Ryuichi Sakamoto – Vrioon (2002)

Fennesz – Venice (2004)

Mitchell Akiyama – Small Explosions That Are Yours To Keep (2005)

Oöphoi – The Spirals Of Time (2007)

Bersarin Quartett – Bersarin Quartett (2008) et II (2012)

Deaf Center – Owl Splinters (2011)

Brian Eno – The Ship (2016)

Alva Noto – Xerrox, Vol. 4 (2020)

Sounds of the UK dance underground

L’apparition d’une scène « dance underground » date de la fin des années 80. Une nouvelle musique séduit la jeunesse britannique lors du Summer of Love de 1988, avec les raves, la consommation d’une drogue de synthèse appelée Ecstasy et l’émergence de nombreuses radios pirates. C’est une musique construites avec des samplers, des synthés et de boîtes à rythmes. Voici une vidéo qui donne un aperçu de l’ambiance des fêtes organisées en dehors des clubs de centre ville, dans des hangars abandonnés ou en plein champs : Acid / House Mix 1988.

Ce joyeux mélange de TB-303 – la marque du son acid – de scratchs, voix soul, basses profondes et samples de toutes sortes sera particulièrement fécond au Royaume-Unis, pays sous influences à la fois du hip-hop américain et des harangues des MC des sound-sytems jamaïcains. Cette musique ne cessera de se développer ensuite et de se diversifier dans de multiples genres dont nous allons tenter de donner un aperçu.

Quelques noms marquants, quelques figurent tutélaires, surplombent le mouvement. D’un point de vue théorico-pratique, il y a le fameux manuel « How To Have A Number 1 The Easy Way« , manifeste non dénué d’humour écrit par les membres de KLF qui consacre l’abandon des grands studios et le passage à l’air des productions individuelles réalisées à la maison. Les KLF ont par ailleurs produits d’excellents morceaux dont certains ont effectivement atteint le n°1 dans les charts, ce qui donne une solide assise à ce traité plein d’ironie.

Alors que le rock et la pop ronronnaient en répétant des schémas éprouvés, les artistes les plus féconds de cette génération allaient investir la « dance music », encore largement en dehors de l’emprise des « majors » et territoire où pouvaient se mener toutes sortes d’expérimentations. Parmi les disques qui se distinguent du lot, en voici 3 qui ont tout de suite eu une influence considérable. Dès la première écoute, pas de doute possible, on pouvait identifier un son, un style, une manière de construire les morceaux qui faisait toute la différence avec ce que l’on avait pu entendre jusqu’alors. Ce sont :

« What’s That Noise? » de Coldcut, avec les titres People Hold On et Stop This Crazy Thing

« Into The Dragon » de Bomb The Bass, alias Tim Simenon, avec Say A Little Prayer et On The Cut

« Club Classics Vol. One » de Soul II Soul, avec Back To Life et Keep On Movin’

UK Hardcore, Jungle, Drum&Bass (depuis 1990)

La Jungle et la Drum&Bass ont représenté un tournant radical. Avec l’utilisation des sub-bass s’ouvrait une expérience sensorielle inédite qui reposait sur la qualité et la puissance du sound-system. Le déluge de percussion qui s’y fait entendre était rendu possible par le nombre quasi infini de pistes de batterie que l’on pouvait empiler dans les logiciels de montage audio disponibles sur PC.

Quelques titres marquants :

Higher Sense : Listen Up

Goldie : Innercity Life

4Hero : No Limitation

UK Garage, 4×4, Speed Garage, 2Step, Niche, Bassline (depuis 1996)

Quelques titres marquants :

Double 99 – RIP Groove

Daryl B. et MJ.Cole : Free Breath sur le label V.I.P.

DSK : what would we do ?

DubStep (depuis 1998)

Le dubstep est un style plus sombre et lent qui accompagne l’émergence du Grime, un genre de rap anglais fortement teinté d’électronique dont Skepta et Dizzee Rascal sont les artistes emblématiques.

Une des premières compilations à populariser le style est celle de 2007 du label Soul Jazz Records : Box Of Dub 1 – Dubstep And Future Dub

On y trouve Burial, artiste phare avec Kode9 du label Hyperdub, qui produit le titre Archangel sur l’album Untrue, également en 2007.

UK Funky (depuis 2008)

Croisement de house, garage et rythmes africo-caraïbéens, très influencé par la soca de Trinidad, le style est défendu par les Crazy Cousinz qui produisent des titres comme ceux-ci :

Donae’o – Party Hard

Kyla – Do You Mind

Malika – Go

Depuis il ne semble pas vraiment y avoir eu de nouveau style issu de l’underground britannique. Tout se passe comme si l’innovation s’était déplacée ailleurs, dans des pays émergents qui prennent une place plus importante sur la scène culturelle mondiale. Voir l’article de DJ magazine le 26 février 2020 : UK club music is evolving – but how?